Un dernier effort est nécessaire pour améliorer la proposition du Fonds pour une transition juste

Le Parlement européen et le Conseil ont encore la possibilité d'améliorer le Fonds pour une transition juste en le recentrant sur le soutien social et en basant les allocations de fonds sur des informations plus précises qui tiennent compte non seulement des besoins des pays mais aussi de leurs ambitions vertes.

Le Fonds pour une transition juste (FOI), l'un des trois piliers du mécanisme de transition juste, vise à fournir une assistance aux territoires de l'UE les plus touchés par la transition vers une économie climatiquement neutre. Compte tenu de la pression socio-économique causée par la crise COVID depuis le dévoilement du mécanisme en janvier 2020, la Commission européenne a proposé le mois dernier d'augmenter son financement de plus de cinq fois, de 7,5 à 40 milliards d'euros (sauf indication contraire, les prix 2018 sont utilisé).

(…) Les organes politiques de l'UE – le Conseil et le Parlement – peuvent encore l'amender pour mieux répondre au besoin urgent de politiques de transition juste dans le contexte difficile de la reprise post-COVID

La nouvelle proposition modifiée de JTF fait partie de l’instrument «Next Generation EU» de 750 milliards d’euros proposé, un élément clé du programme global de relance de la Commission. Elle se justifie par la nécessité d'accélérer la transition verte tout en évitant une augmentation des disparités nationales et régionales à «créer les conditions d'une croissance et d'une résilience à long terme de l'Europe« . Bien que la proposition remaniée ait été saluée comme l'une des propositions phares de la Commission pour la reprise, les organes politiques de l'UE – le Conseil et le Parlement – peuvent encore la modifier pour mieux répondre au besoin urgent de politiques de transition juste dans le contexte difficile de l'après-crise. Récupération COVID.

Les trois principaux amendements à la proposition de la FOI

  1. Une multiplication par cinq de la taille de la FOI

Dans la nouvelle proposition, la FOI s'élèvera à 40 milliards d'euros. 10 milliards d'euros proviendront du budget 2021-2027 et 30 milliards d'euros de l'instrument «Next Generation EU», qui sera financé par l'émission de la dette de l'UE. Cette deuxième source de financement sera mise à disposition pour les engagements budgétaires à raison d'environ 7,5 à 8 milliards d'euros par an entre 2021 et 2024.

  1. Ajustements à la méthode de pré-allocation

Bien que très similaire à ce qui avait été proposé à l'origine, la méthode est ajustée pour refléter le financement supplémentaire mis à la disposition du FOI. La pré-allocation maximale pour un pays est plafonnée à 8 milliards d'euros au lieu de 2 milliards d'euros et la pré-allocation minimale est fixée à 32 € de l'intensité d'aide par habitant d'un pays sur toute la période, au lieu de 6 €.

La figure 1 montre comment ces modifications affectent à la fois le montant et la part que chaque pays reçoit. Compte tenu de l'augmentation du financement global, tous les pays bénéficient mécaniquement d'une pré-allocation plus importante. Leurs parts dans le total restent à peu près les mêmes, à l'exception de la Pologne. S'il reste le principal bénéficiaire du fonds – recevant désormais 8 milliards d'euros, plus que les 7,5 milliards initialement proposés pour l'ensemble de l'UE – sa part est désormais passée de plus d'un quart du total à un cinquième du total.

  1. Transferts obligatoires modifiés d'autres fonds structurels

Dans la proposition initiale, un pays devait faire correspondre chaque euro reçu du FOI avec entre 1,5 et 3 euros provenant d'enveloppes qui leur étaient allouées par le biais du Fonds européen de développement régional (FEDER) ou du Fonds social européen plus (FSE +). Ces transferts obligatoires ont fait en sorte que les 7,5 milliards d'euros de financement direct du FOI se sont traduits dans les enveloppes nationales du FOI jusqu'à quatre fois plus que le montant initial reçu.

Dans le règlement modifié, seule la partie du financement de la FOI qui provient du budget de 7 ans – 10 milliards d'euros – doit être égalée de la même manière. Les 30 milliards d'euros restants de financement provenant de l'instrument de relance n'ont pas besoin d'être égalés.

Les amendements de la Commission: un pas en avant trop timide

Dans notre étude d'avril 2020, nous avons évalué la proposition initiale de la Commission pour un JTF. L'un des principaux points mis en évidence est le grave manque de financement de l'initiative, en particulier compte tenu de ses objectifs ambitieux: assurer un soutien social, un repositionnement et un développement économiques, ainsi que la réhabilitation et la réutilisation de l'environnement dans les régions de l'UE les plus touchées par la transition.

L'estimation exacte du financement nécessaire à une transition juste vers la neutralité climatique est un exercice complexe. Une estimation approximative de la limite inférieure des besoins du secteur de l’énergie pourrait représenter à elle seule environ 10,8 milliards d’euros, soit déjà plus que l’enveloppe initiale totale du JTF. L’augmentation significative du financement proposé pour le JTF est donc très bienvenue car elle permettra de financer et de mettre en œuvre des projets plus «de transition juste» dans les régions en transition. Cependant, 40 milliards d'euros ne suffiront probablement pas pour assurer une transition juste et à l'échelle de l'UE vers la neutralité climatique. Les progrès des territoires en transition devraient être étroitement surveillés et le Conseil et le Parlement devraient être prêts à augmenter le budget de la FOI si cela s'avérait nécessaire – un peu comme ce qui a été fait pour l'initiative pour l'emploi des jeunes en 2016.

40 milliards d'euros ne suffiront probablement pas pour assurer une transition juste et à l'échelle de l'UE vers la neutralité climatique

Dans sa proposition modifiée, la Commission restreint les transferts d'autres fonds structurels pour correspondre uniquement au financement de 10 milliards d'euros du JTF sur le budget de l'UE plutôt qu'à l'enveloppe globale de 40 milliards d'euros. La proposition modifiée de la Commission justifie cela comme un moyen de «préserver la capacité des États membres et des régions à utiliser les ressources de leur politique de cohésion pour soutenir la cohésion économique, sociale et territoriale». Les transferts correspondant à l'allocation initiale de 7,5 milliards d'euros étaient déjà un point litigieux du règlement, car le retrait des fonds des enveloppes de cohésion suscitait une certaine inquiétude – un sentiment faisant écho dans le projet de rapport du Parlement européen sur le règlement JTF, qui appelait à la suppression des ces transferts.

Notre étude a mis en évidence la forte probabilité qu'à la fin des négociations sur le cadre financier pluriannuel, les fonds alloués au JTF ne soient pas réellement supplémentaires, mais plutôt prélevés sur d'autres fonds structurels. Si cela devait se produire, cela se traduirait par une réaffectation partielle de 40 milliards d'euros des pays favorisés par l'utilisation du RNB par habitant comme critère – principalement l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Hongrie – aux pays favorisés par l'utilisation de l'intensité carbone comme un critère – principalement la Pologne, l'Allemagne, la République tchèque et la Bulgarie.

Trois propositions pour améliorer la proposition

  1. Modifier la portée de l'admissibilité du projet dans le cadre du FOI

Alors que la diversité de la portée de l’appui du FOI donne aux régions une certaine flexibilité dans la conception de leurs stratégies de transition, un financement limité limite le nombre d’objectifs qui peuvent être atteints de manière réaliste. Notre étude a donc recommandé de recentrer le JTF sur l'accompagnement social des populations des territoires en transition et, dans une moindre mesure, sur la restauration des terres. S'il peut être politiquement difficile, à ce stade des négociations, de restreindre la portée de la FOI au soutien social et à la restauration des terres uniquement, certaines modifications pourraient être apportées pour au moins renforcer sa branche «soutien social»:

  • Subordonner le financement des projets de requalification et de perfectionnement aux besoins réels du marché du travail local, comme cela a été fait avec le Scottish Transition Training Fund.
  • Soutenir les activités qui développent la capacité d’une région à collecter, harmoniser et diffuser des données sur le travail liées aux compétences nécessaires et aux domaines où les travailleurs concernés pourraient trouver des emplois alternatifs.
  • Incluez le soutien du revenu pour les travailleurs en transition: des subventions de transition de la pension ou des bourses de mobilité pour les travailleurs qui doivent déménager pour un nouvel emploi. Étant donné l'étendue des filets de sécurité sociale dans la plupart des pays de l'UE, cela ne serait qu'un complément aux filets de sécurité nationaux, le cas échéant.

S'il peut être politiquement difficile, à ce stade des négociations, de restreindre la portée de la FOI au soutien social et à la restauration des terres uniquement, certaines modifications pourraient être apportées pour au moins renforcer sa branche «soutien social».

  1. Simplifier et recentrer la méthodologie d'allocation

En l'état, la pré-allocation des fonds du FOI est basée sur deux critères: d'une part, l'identification des régions à forte intensité de carbone; et d'autre part, diverses données sur l'emploi dans les mines de charbon et de lignite; dans la production de tourbe et de schiste bitumineux; et l'emploi global de l'industrie dans les régions à forte intensité de carbone. Cette formule vise à mesurer les besoins de transition des pays et à répartir les fonds en conséquence.

Lorsque nous avons reproduit les calculs de pré-affectation de la Commission, avant et après les modifications, nous avons constaté des limites majeures dans la méthodologie (les détails de nos calculs et conclusions se trouvent dans notre étude). Premièrement, les données dont les résultats dépendent fortement sont assez instables. De plus, les pondérations attribuées aux deux critères inclus dans la formule de pré-allocation ne reflètent pas leur impact réel sur le résultat final. C'est parce que les deux critères sont fortement corrélés, donc donner du poids à l'un ou à l'autre est finalement indifférent. Cela pourrait être corrigé en utilisant un seul critère: le niveau d'intensité en carbone. Cela simplifierait considérablement la formule et rendrait les calculs plus simples et transparents.

Au-delà des seuls besoins, la pré-allocation des fonds pourrait cependant aussi tenir compte de la volonté d'un pays à s'engager dans le processus de transition, par exemple en incluant un nouveau critère dans la formule de pré-allocation: l'ambition des stratégies de transition des pays soumises à la Commission («Plans territoriaux de transition équitable»). Cela pourrait encourager des niveaux d’ambition plus élevés, conformément à la proposition du Parlement européenla vitesse à laquelle les États membres s'engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre provenant du charbon ou du lignite, comme en témoignent les plans énergétiques et climatiques nationaux respectifs pour 2030»Soit ajouté comme critère de pré-allocation du JTF.

  1. Modifier la méthode de pré-allocation pour capturer plus de granularité

L'UE utilise un système de classification territoriale hiérarchique connu sous le nom de classification NUTS. NUTS1 capture les principales régions socio-économiques et est la plus grande classification de ce système, tandis que NUTS3 est la plus granulaire, capturant les très petites régions.

La formule de pré-allocation du JTF utilise actuellement des données au niveau NUTS2, même si les plans territoriaux de transition juste identifient les territoires en fonction de leurs besoins de transition au niveau NUTS3, ou même au niveau plus granulaire des territoires ou des villes. Cela crée un écart entre les besoins des pays, calculés par la formule de pré-allocation, et les besoins de leurs régions identifiés dans les plans. La figure 2 illustre les écarts entre les régions NUTS2 et NUTS3 identifiées comme à forte intensité de carbone dans la méthodologie de la Commission. La carte de droite montre les petites régions NUTS3 qui sont très intensives en carbone et nécessiteraient des fonds, mais pourraient ne pas être prises en compte dans le calcul car elles sont situées dans une région NUTS2 plus large qui n'est pas considérée comme à forte intensité carbone.

Alors que la disponibilité des données à ce niveau pourrait potentiellement être un problème, notre étude montre que la méthodologie actuelle pourrait être changée au niveau des régions NUTS3 sans trop de difficulté.

Conclusion

Globalement, les amendements de la Commission européenne visant à augmenter la taille de la FOI sont les bienvenus, mais le Parlement européen et le Conseil pourraient améliorer la proposition de deux manières principales. Premièrement, le FOI pourrait être recentré sur le soutien social, en particulier en veillant à ce que les formations répondent aux besoins de main-d'œuvre locale et en permettant le financement par le FOI de la mobilité et des subventions de transition des pensions qui compléteraient les filets de sécurité sociale nationaux. Deuxièmement, la pré-allocation par pays devrait refléter à la fois les besoins de transition et l'ambition de manière précise et granulaire. L'inclusion de l'ambition comme critère de pré-allocation et l'utilisation de données de niveau NUTS3 plutôt que de données de niveau NUTS2 fonctionnerait dans ce sens.

Citation recommandée
Cameron, A., G. Claeys, C. Midões, S. Tagliapietra (2020) «Un dernier effort est nécessaire pour améliorer la proposition du Fonds pour une transition juste», Bruegel Blog, 11 juin, disponible sur https://www.bruegel.org/2020/06/one-last-push-is-needed-to-improve-the-just-transition-fund-proposal/


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