Le plus haut tribunal allemand condamne le programme d'achat d'obligations de la BCE

FRANCFORT – Ce qui suit est un texte abrégé de la décision de la Cour constitutionnelle allemande de mardi qui pourrait forcer la Bundesbank à se retirer du programme d'achat d'obligations de la Banque centrale européenne.

Dans son jugement rendu aujourd'hui, le deuxième Sénat de la Cour constitutionnelle fédérale a accueilli plusieurs plaintes constitutionnelles dirigées contre le Programme d'achat dans le secteur public (PSPP) de la Banque centrale européenne (BCE). La Cour a constaté que le gouvernement fédéral et le Bundestag allemand avaient violé les droits des plaignants… en omettant de prendre des mesures contestant que la BCE, dans ses décisions sur l'adoption et la mise en œuvre du PSPP, n'ait ni évalué ni démontré que les mesures prévues dans ces les décisions satisfont au principe de proportionnalité.

Dans son arrêt du 11 décembre 2018, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a adopté une position différente en réponse à la demande de décision préjudicielle de la Cour constitutionnelle fédérale; toutefois, cela ne mérite pas une conclusion différente dans la présente procédure. L’examen entrepris par la CJUE pour déterminer si les décisions de la BCE sur le PSPP satisfont au principe de proportionnalité n’est pas compréhensible; dans cette mesure, le jugement est ainsi rendu ultra vires.

En ce qui concerne la contestation des plaignants selon laquelle le PSPP contourne effectivement l’art. 123 TFUE, la Cour constitutionnelle fédérale n'a pas constaté de violation de l'interdiction du financement monétaire des budgets des États membres.

La décision publiée aujourd'hui ne concerne aucune mesure d'aide financière prise par l'Union européenne ou la BCE dans le contexte de la crise actuelle des coronavirus…

Dans les décisions litigieuses, la BCE n'effectue pas l'équilibre nécessaire entre l'objectif de politique monétaire et les effets de politique économique résultant du programme. Par conséquent, les décisions en cause violent l'art. 5 (1) deuxième phrase et art. 5, paragraphe 4, du traité sur l'Union européenne et, par conséquent, dépassent le mandat de politique monétaire de la BCE.

Les décisions litigieuses affirment simplement que l'objectif d'inflation de niveaux inférieurs à, mais proches de 2%, recherché par la BCE n'a pas encore été atteint et que des moyens moins intrusifs ne sont pas disponibles. Ils ne contiennent ni pronostic quant aux effets de la politique économique du PSPP ni appréciation de la proportionnalité de ces effets par rapport aux avantages escomptés dans le domaine de la politique monétaire. Il n'est pas certain que le Conseil des gouverneurs de la BCE ait effectivement examiné et équilibré les effets inhérents et les conséquences directes du PSPP, car ces effets résultent invariablement du volume du programme de plus de 2 000 milliards d'euros et de sa durée désormais supérieure à trois ans. Étant donné que les effets négatifs du PSPP augmentent plus il augmente en volume et plus il se poursuit, une durée de programme plus longue entraîne des exigences plus strictes quant à la nécessaire mise en balance des intérêts…

Il aurait incombé à la BCE de peser ces effets et d'autres effets considérables sur la politique économique et de les équilibrer, sur la base de considérations de proportionnalité, par rapport aux contributions positives attendues à la réalisation de l'objectif de politique monétaire fixé par la BCE elle-même. Il n'est pas certain qu'un tel équilibrage ait été effectué, ni au premier lancement du programme ni à aucun moment de sa mise en œuvre. À moins que la BCE ne fournisse des documents démontrant qu'un tel équilibrage a eu lieu et sous quelle forme, il n'est pas possible de procéder à un contrôle juridictionnel effectif pour savoir si la BCE a respecté son mandat…

Les organes constitutionnels, les autorités administratives et les tribunaux allemands ne peuvent participer ni à l'élaboration, ni à la mise en œuvre, à l'exécution ou à l'opérationnalisation des actes ultra vires. À l'issue d'une période transitoire de trois mois au maximum permettant la coordination nécessaire avec l'Eurosystème, la Bundesbank ne peut ainsi plus participer à la mise en œuvre et à l'exécution des décisions de la BCE en cause, à moins que le conseil des gouverneurs de la BCE n'adopte une nouvelle décision démontrant d'une manière compréhensible et justifiée que les objectifs de politique monétaire poursuivis par le PSPP ne sont pas disproportionnés par rapport aux effets de politique économique et budgétaire résultant du programme. À la même condition, la Bundesbank doit veiller à ce que les obligations déjà achetées et détenues dans son portefeuille soient vendues selon une stratégie – éventuellement à long terme – coordonnée avec l'Eurosystème. (Reportage de Balazs Koranyi; édité par John Stonestreet)

Vous pourriez également aimer...