L'accord du Conseil de l'UE est-il aligné sur les ambitions du Green Deal?

Le 21 juillet, les dirigeants de l'UE se sont mis d'accord sur un paquet de 1,8 billion d'euros qui devrait stimuler la reprise après la crise du COVID-19, mais également contribuer à l'avancement des principaux objectifs sociétaux de l'UE, à commencer par la transition climatique. Dans cet article de blog, nous évaluons les ambitions vertes du paquet et évaluons sa cohérence avec le Green Deal européen.

Après 91 heures de négociations, les dirigeants de l'UE se sont mis d'accord le 21 juillet sur un paquet de 1,8 billion d'euros qui contribuera au redémarrage économique de l'UE après les retombées du COVID-19, ainsi qu'à l'avancement des principaux objectifs sociétaux de l'UE, à commencer par le climat transition.

Le paquet combine 1074,3 milliards d'euros pour les budgets de l'UE pour 2021-2027 (c'est-à-dire le soi-disant cadre financier pluriannuel ou CFP) et 750 milliards d'euros pour le nouvel instrument de relance de l'UE appelé Next Generation EU (NGEU). Cela est considérable et représente également un pas en avant majeur pour l'UE étant donné la première utilisation des emprunts de l'UE pour financer des subventions.

Au cours des derniers mois, le président von der Leyen et le président Michel se sont engagés à concentrer ce paquet sur la «priorité» de la Commission Von der Layen: la transition climatique. Dans cet article de blog, nous évaluons les ambitions vertes du paquet convenu et évaluons sa cohérence avec le Green Deal européen.

  1. Un objectif climatique réaliste de 30% sur toutes les dépenses de l'UE

Un objectif climatique global de 30% s'appliquera au montant total des dépenses du CFP et du NGEU. Cela signifie que, sous différentes formes et à différents moments, entre 2021 et 2027, environ 547 milliards d’euros de ressources «fraîches» de l’UE seront mis à disposition pour la transition verte.

Cela représente environ un quart des investissements nécessaires pour atteindre un objectif de réduction des émissions de 50 à 55% à l'horizon 2030 – estimé à 300 milliards d'euros par an. Compte tenu de cet ordre de grandeur, il est clair que seul le secteur privé est en mesure de fournir les investissements nécessaires à la transition verte. Cependant, s'ils sont correctement investis, les fonds européens ont un rôle important à jouer, notamment en mobilisant des investissements supplémentaires des gouvernements et du secteur privé. Cela est particulièrement vrai pour les soi-disant «investissements habilitants», tels que l’investissement dans des réseaux électriques intelligents ou des infrastructures de recharge de voitures électriques; ceux-ci sont nécessaires pour débloquer les investissements du secteur privé dans les énergies propres et les solutions de mobilité.

Comme nous l'avons déjà expliqué, cet objectif doit être traité avec soin. Les contributions prévues aux risques liés aux dépenses liées au climat doivent être surestimées. Toutes ces dépenses ne peuvent pas être considérées comme des investissements verts, ou même des dépenses vertes, car elles sont très diverses, allant des subventions agricoles au financement de la recherche et de l'innovation. C'est pourquoi nous avons suggéré à la Commission européenne de revoir la méthodologie de la manière dont les dépenses sont considérées comme contribuant aux objectifs climatiques. La méthodologie actuelle est profondément imparfaite, comme l'a récemment souligné la Cour des comptes européenne.

Il est bon de voir que les dirigeants de l'UE ont relevé le défi en demandant à la Commission européenne de développer une méthodologie efficace pour surveiller les dépenses climatiques et leurs performances, et d'en faire rapport chaque année. Cela représente une étape importante pour garantir que l'objectif de 30% informe de manière réaliste les dépenses climatiques.

  1. Un nouvel objectif de réduction des émissions de l'UE à l'horizon 2030 d'ici la fin de 2020

Dans le cadre de l'accord, les dirigeants de l'UE ont également convenu de mettre à jour l'objectif de réduction des émissions de l'UE à l'horizon 2030 d'ici la fin de 2020. Il s'agit d'un engagement important, car le relèvement de l'objectif actuel envoie un message clair indiquant que la trajectoire de décarbonation de l'UE se dirige de manière décisive vers la neutralité climatique d'ici 2050. Et il est important de fournir un signal clair à tous les acteurs du marché concernant la vitesse de la transition verte de l'UE , Ce qui leur permet de prendre leurs décisions d'investissement dès aujourd'hui.

Dans son tout premier discours devant le Parlement européen, la présidente von der Leyen s'est engagée à porter l'objectif de réduction des émissions de l'UE de 40% à 50-55% par rapport aux niveaux de 1990. La chancelière Merkel a récemment déclaré que l'un des principaux objectifs de la présidence allemande de l'UE sera de parvenir à un consensus sur cet objectif de révision entre les 27 États membres. Dans sa promesse, le Conseil de l'UE renforce considérablement ce processus.

  1. Transition juste: la moitié du fonds qu'il était

Les dirigeants de l’UE ont réduit de moitié le Fonds pour une transition juste (JTF) par rapport à la proposition de la Commission, passant de 40 milliards d’euros à 17,5 milliards d’euros. C'est l'un des inconvénients majeurs de l'accord, qui a vu d'importants investissements du NGEU dans les biens publics de l'UE (non seulement le JTF, mais aussi la santé, la recherche et la coopération internationale) être considérablement réduits pour pouvoir parvenir à un accord unanime. Cette réduction de la JTF n'est clairement pas la bienvenue, car l'instrument représente un élément important pour garantir l'inclusion sociale et l'acceptabilité politique de la transition verte. Compte tenu de cette situation, il sera désormais encore plus important de donner la priorité aux régions à forte intensité de carbone – et notamment aux régions charbonnières – dans l'allocation des Fonds structurels et de cohésion de l'UE.

Nous avons précédemment suggéré d'améliorer la proposition du JTF en:

i) focaliser l'instrument sur l'accompagnement social des populations des territoires en transition et, dans une moindre mesure, sur la restauration des terres,

ii) simplifier les méthodologies d’allocation, pour inclure également l’aspiration des stratégies de transition des pays soumises à la Commission européenne,

iii) modifier la méthode de pré-allocation du fonds pour la rendre plus précise.

Compte tenu des nouvelles contraintes de financement, nous considérons que ces suggestions sont maintenant plus importantes que jamais.

  1. Faire de la Banque européenne d’investissement la banque climatique de l’UE

La BEI devrait être en mesure de faire plus pour financer la transition verte. C'est pourquoi la décision de réduire les fonds du NGEU consacrés à InvestEU de 30,3 milliards d'euros dans la proposition de la Commission à seulement 5,6 milliards d'euros dans l'accord du Conseil n'est pas une bonne nouvelle, car ces fonds étaient en partie censés encourager la BEI à augmenter ses investissements dans des projets verts plus risqués, mais potentiellement très enrichissants.

Cependant, le volume des nouveaux prêts décaissés par la BEI a diminué chaque année depuis 2015, et l'encours total de ses prêts a également diminué. Même sans InvestEU, la BEI dispose clairement d'une marge de manœuvre pour agir plus énergiquement: son ratio de fonds propres a augmenté ces dernières années et son endettement est en baisse depuis 2012. De même, selon ses statuts (article 16.5), elle peut prêter jusqu'à deux fois et demie son niveau de capital souscrit (plus réserves et bénéfices), ce qui signifie que son portefeuille de prêts pourrait atteindre environ 600 milliards d'euros, contre environ 450 milliards aujourd'hui. La BEI bénéficie actuellement de taux très favorables pour ses emprunts sur les marchés des capitaux et il serait dommage de ne pas profiter de cette opportunité pour financer des projets valables pouvant contribuer à la lutte contre le changement climatique.

Nous avons fait valoir auparavant que si les pays de l’UE s’inquiètent (indûment) de la notation de la BEI, une augmentation de capital devrait être réalisée. Les dirigeants de l'UE invitent désormais le conseil des gouverneurs de la BEI à examiner cette question d'ici fin 2020. Cela présente une fenêtre d’opportunité unique, lorsque la BEI pourrait véritablement devenir la banque climatique de l’UE.

  1. Concentrer 40% des dépenses de la politique agricole commune sur le climat

Dans le cadre de cet accord, les dirigeants de l'UE ont accepté de consacrer 40% des dépenses de la PAC à l'action climatique. La PAC représente le deuxième poste de dépenses le plus important du budget de l'UE après la cohésion. La modernisation de la PAC est devenue de plus en plus urgente, car il existe des preuves solides montrant que, si elle fournit une bonne aide au revenu, en particulier pour les agriculteurs plus riches, elle est beaucoup moins efficace en matière de verdissement et de biodiversité, en fait, elle est même nuisible. à l'environnement. Afin de mettre en œuvre cette modernisation et de garantir des dépenses climatiques efficaces de 40%, la Commission européenne devra prendre des mesures politiques et de suivi fortes au cours des sept prochaines années. C’est la clé de la réalisation des piliers environnement et biodiversité du Green Deal européen.

  1. Ressources propres de l'UE: taxe sur les plastiques, ajustement des frontières carbone et réforme du système d'échange de quotas d'émission

Les dirigeants de l'UE ont convenu de fournir à l'Union de nouvelles ressources propres pour rembourser les fonds levés dans le cadre du NGEU. Ils se sont mis d'accord sur une nouvelle taxe sur le plastique qui sera introduite en 2021, ainsi que sur une mesure d'ajustement carbone qui sera également préparée au premier semestre 2021. Les dirigeants de l'UE ont demandé à la Commission européenne de proposer une révision du système d'échange de quotas d'émission de l'UE ( ETS) d'une manière qui s'étend aux secteurs aéronautique et maritime. Ici, nous aurions espéré une position beaucoup plus forte sur la tarification du carbone. Alors que les entreprises repensent les chaînes de valeur après la crise du COVID-19 et que les gouvernements stimulent les économies déprimées, le rôle de la tarification du carbone dans le façonnement de la croissance est aujourd'hui plus important qu'en temps normal. L'appel à réviser le SEQE est le bienvenu et devrait non seulement se concentrer sur l'expansion sectorielle, mais aussi sur la réduction du nombre de quotas mis sur le marché par les pays de l'UE pour augmenter leur prix. Les dirigeants de l'UE auraient également dû donner la priorité à une réforme de la directive sur la taxation de l'énergie, qui est essentielle pour décarboner les transports et le chauffage.

Verdict final

Il est juste de dire que le paquet ne trahit pas le Green Deal européen. Il appartient désormais à chaque pays de l'UE de soumettre des plans nationaux de relance réellement verts et à la Commission européenne de les contrôler dûment. En général, il s'agit du plan de relance le plus écologique que le monde ait connu jusqu'à présent.


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