La promesse Biden | Bruegel

Aux yeux des Européens, la victoire électorale de Joe Biden aux États-Unis apporte la promesse d’un changement majeur d’importance mondiale. Du climat au multilatéralisme, en passant par le commerce et la gestion des biens publics mondiaux, voici un aperçu de la façon de comprendre cette promesse.

Cet article d’opinion a été initialement publié sur Kathimerini.

Aux yeux des Européens, la victoire électorale de Joe Biden aux États-Unis apporte la promesse d’un changement majeur d’importance mondiale. Du climat au multilatéralisme, en passant par le commerce et la gestion des biens publics mondiaux, voici un aperçu de la façon de comprendre cette promesse.

A quoi pouvons-nous nous attendre?

À tout le moins, nous pouvons nous attendre à un changement clair du ton de la direction américaine. Il n’y aura plus d’irrespect total des faits et de l’opinion d’experts. Une connaissance et une compréhension approfondies redeviendront une vertu, et non un vice, dans l’élaboration des politiques. Cela devrait être la fin des «faits alternatifs» qui ont empoisonné les politiques américaines. Et avec cela, le discours global peut également bénéficier de la vérité que les faits et la science cherchent à établir.

La communication ne sera plus la somme totale de 280 caractères sur Twitter. La simplicité de la messagerie ne se fera pas au détriment du message lui-même. Ce sera la fin de la diplomatie à somme nulle dans laquelle les intérêts des autres pays sont nécessairement opposés à ceux des États-Unis.

Enfin, on peut s’attendre à une nouvelle tentative d’unir la société américaine, dans toute sa diversité et sa richesse. Déjà, la nouvelle administration nommée par Biden est beaucoup plus diversifiée qu’auparavant en termes de parcours, d’ethnie, d’orientation sexuelle et de sexe. Ce sera une tentative beaucoup plus tardive pour corriger le profond sentiment d’inégalité ressenti par de nombreuses parties de la population américaine.

Que pouvons-nous espérer?

L’administration arrêtera sans aucun doute la rhétorique de «l’Amérique d’abord». Mais il n’arrêtera pas de poursuivre d’abord les intérêts américains. Ce que nous espérons voir cependant, c’est une tentative de s’engager à l’échelle mondiale, en reconnaissant qu’il existe de véritables biens publics mondiaux et que les intérêts des États-Unis ne sont pas nécessairement différents de ceux des autres.

Les priorités ne sont pas difficiles à fixer. Le premier sera de contenir la pandémie et de fournir une plate-forme de coordination qui puisse préserver la santé au niveau mondial, seul niveau où elle peut être efficace. Les États-Unis peuvent aider à produire et à distribuer des vaccins à des prix abordables dans le monde entier, en temps utile.

Nous espérons voir la suppression des tarifs punitifs qui faisaient partie des politiques d’intimidation qui ont détruit la valeur économique et encouragé la culture du protectionnisme. Sur ce, les États-Unis devraient prendre des mesures pour rendre l’Organisation mondiale du commerce à nouveau opérationnelle. Biden a déjà été clair qu’il n’y aura pas de retour aux pratiques commerciales antérieures. Mais quelles que soient les nouvelles pratiques commerciales, les États-Unis auront un rôle très important à jouer pour s’assurer qu’il existe un mécanisme de promotion d’un commerce équitable et ouvert qui profite à la plupart et pas seulement à quelques-uns.

Enfin, nous espérons que les États-Unis adopteront les tentatives de contenir le réchauffement climatique et contribueront à promouvoir la transition énergétique de toute urgence, tout en étant équitables quant à savoir qui en supportera le coût. Rejoindre l’accord de Paris devra être la première étape. Mais il faudra nécessairement faire plus. Qu’il s’agisse de réductions ambitieuses des émissions de gaz à effet de serre ou de mesures d’ajustement aux frontières en matière de carbone, la participation des États-Unis, sinon le leadership, sera cruciale.

Que devons-nous craindre?

L’élection d’une nouvelle administration moderne, inclusive et mondiale est très loin d’être un signe de changement permanent et reflète les limites de ce qui est réalisable aux États-Unis. L’ampleur et la profondeur des divisions structurelles internes de la société américaine définiront dans quelle mesure l’administration Biden sera en mesure de se différencier d’un phénomène Trumpien émergent.

En ce qui concerne l’Union européenne, il y a deux domaines à surveiller.

Nous nous attendons à voir une continuité absolue dans la manière dont les États-Unis affrontent la Chine. Mais contrairement à l’administration Trump, Biden recherchera des alliances d’économies occidentales partageant les mêmes idées pour créer l’échelle qui peut ralentir le mastodonte chinois. Le changement d’approche des États-Unis, passant de l’intimidation à la cour, n’exclut pas le fait que l’UE est très loin d’être claire sur la manière et l’opportunité de s’aligner avec les États-Unis en ce qui concerne la Chine. Paradoxalement, Trump était une excuse commode pour que l’UE ne se décide pas. Ce sera plus difficile maintenant.

Il est important de noter que l’UE, en tant que véritable partisan du multilatéralisme, doit éviter la tentation de remplacer le multilatéralisme par une série d’accords bilatéraux. Cela ne suffira tout simplement pas pour traiter les biens communs mondiaux.

Mais le test décisif de la victoire de Biden, en tant que véritable retour des États-Unis dans le système mondial, sera le climat. Les deux chambres, le Sénat et le Congrès, devront s’unir derrière le président pour réaliser les ambitions qu’il s’est fixées. Mais le bipartisme est très loin d’être garanti et l’UE aura de sérieux problèmes avec cela.

La politique américaine, peut-être comme la politique de n’importe quel autre pays, est avant tout définie par l’agenda national. Avec quelle rapidité ou quelle activité l’administration Biden choisira-t-elle de poursuivre un programme étranger efficace reste pour le moment une promesse.

Cette promesse est peut-être la seule bonne chose qui soit sortie de 2020. En 2021, le président élu Biden devra concrétiser au moins certaines de ces promesses.


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