Scène de crime

L’archéologie au secours des enquêtes criminelles

Des enquêtes de plus en plus poussées

« Le travail des archéologues est de retrouver des corps enterrés il y a des milliers d’années. Ils peuvent donc le faire aussi pour des fosses vieilles de cinq, dix ou vingt ans. » En quelques mots, l’archéoanthropologue Patrice Georges livre l’une des clés du colloque « Archéologie et enquêtes judiciaires » organisé vendredi et samedi par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et le tribunal de grande instance de Paris, qui accueille la manifestation. Une première française coprésentée côté judiciaire par Sabine Kheris, doyenne des juges d’instruction du TGI, qui présentera « les attentes de la justice et le cadre légal », et, côté archéologues, par Arnaud Schaumasse, sous-directeur de l’archéologie au ministère de la Culture, et Dominique Garcia, président de l’Inrap. Deux jours durant, près de trente experts (archéologues, anthropologues, médecins légistes, militaires, gendarmes), français mais aussi étrangers (britannique, irlandais, américain, italien…) vont débattre.

Recueillir des indices

Largement utilisées par les enquêteurs anglo-saxons, comme en témoignent des séries télévisées comme Bones, les méthodes archéologiques s’imposent peu à peu en France. Un scientifique peut en effet être utile dès que des enquêteurs suspectent que quelque chose a été enterré. Comme les corps de victimes. Dans les cas de tueurs en série, on a vu récemment une pelle mécanique semblable à celles des archéologues utilisée dans l’affaire Fourniret. L’archéologue peut aider à découvrir des corps ou conclure à coup sûr à leur absence. C’est notamment le cas dans de « vieux » dossiers, quand les chiens ne peuvent plus rien sentir car les corps sont décomposés depuis longtemps et que les radars sont inefficaces en raison de la nature du terrain. Une fois un corps retrouvé, les scientifiques peuvent aussi fouiller scientifiquement la fosse et recueillir nombre d’indices sur la façon dont elle a été creusée (dévoilant un élément du mode opératoire éventuel d’un tueur) mais aussi des traces des outils ou des restes de peinture d’un outil. Le tout en laissant le corps de la victime en position et en pouvant retrouver des choses oubliées ou déposées dans la fosse. Autant d’actes effectués chaque jour par des scientifiques fouillant des sites néolithiques, gaulois ou de 1914-1918.

Même l’analyse des végétaux peut trahir un criminel.

Au-delà des corps, les mêmes techniques peuvent aussi être utilisées pour la recherche de caches d’armes ou d’un sac enterré avec un butin. Un autre cas, semblant échappé d’un film hollywoodien, sera exposé lors du colloque : une opération d’archéologie sur le tunnel creusé par des braqueurs de banque. Autre pratique utilisable par les policiers et gendarmes : l’habitude des archéologues de procéder à une analyse préalable du paysage et de l’environnement avant de commencer des fouilles. Cette analyse utilise la télédétection par laser, l’imagerie aérienne (y compris par des drones), des spécialistes traquant les anomalies d’un paysage. Même l’analyse des végétaux peut trahir un criminel. Quand on creuse une fosse, les plantes qui repoussent ensuite peuvent trahir la présence d’une terre retournée.
Outre les services d’enquête, les militaires sont aussi intéressés par l’expertise des scientifiques. Patrice Georges travaille ainsi avec le 17e régiment de génie parachutiste notamment spécialisé dans les fouilles opérationnelles. Demain, ces collaborations pourraient permettre de rechercher et de renseigner des charniers sur des théâtres d’opérations dans la zone syro-irakienne ou au Sahel. Ou identifier les corps de djihadistes français. Ou encore ceux de soldats français disparus. Lors du colloque, un militaire américain expliquera qu’une agence officielle doit fournir une comptabilité aussi complète que possible des soldats américains disparus et en identifier au moins 200 par an…

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